Chroniques

par bertrand bolognesi

grands motets de Jean-Philippe Rameau
Hervé Niquet, Les Chantres du CMBV et Le Concert Spirituel

Katherine Watson, Anders Jerker Dahlin, Marc Labonnette et Marc Mauillon
Arsenal, Metz
- 9 novembre 2014
Les motets de Jean-Philippe Rameau par Hervé Niquet à l'Arsenal de Metz
© éric manas

À celui qui ne s’en serait toujours pas aperçu, rappelons que 2014 fête Jean-Philippe Rameau, disparu il y a deux cent-cinquante ans. Outre de nombreuses parutions discographiques et plusieurs concerts à l’affiche ici et là, cette année compte quelques productions de ses tragédies lyriques. À Metz, l’Arsenal propose une Journée Rameau, ouverte dès 11h ce matin par les deux clavecins d’Anne-Catherine Bucher et Benoît Hartoin faisant sonner quelques pages transcrites des Indes galantes. Bien évidemment, le Centre de Musique Baroque de Versailles (CMBV) n’est guère loin de cette initiative ; aussi Benoît Dratwicki, son directeur artistique, donnait-il conférence en début d’après-midi, prélude rêvé au moment musical qui nous occupe ici.

Des Grands motets du maître français nous entendions tout récemment l’interprétation de William Christie [lire notre chronique du 2 octobre 2014]. Aujourd’hui, nous retrouvons Hervé Niquet et son Concert Spirituel dans ces mêmes pages, agrémentées de deux suites empruntant à la musique de théâtre. La Princesse de Navarre, pour commencer, introduite dans une souplesse remarquable. On goûte l’inflexion grave et tendre, la fraîcheur des flûtes, l’enchâssement des cordes. Après le fort bel air Vents furieux, tristes tempêtes servi d’un timbre chaleureux et dans une grande facilité d’ornement, l’orgue introduit Laboravi clamans, bref motet à grand chœur, petit bijou habité d’un indicible recueillement.

Suit Quam dilecta, dans une articulation sainement moelleuse quoique sans excès de rondeur, ce qui répond idéalement à la compassion évoquée dans son premier verset. Le chœur trouve ici un envol majestueux, auquel succède Eternim passer invenit sibi, agilement chanté par Anders Jerker Dahlin. On retrouve la clarté du ténor suédois, fort gracieux dans ce passage. Après le trio masculin (« Altaria tua, Domine virtutum… »), le baryton Marc Mauillon donne un Beati qui habitant particulièrement prégnant, sans forcer jamais le trait, que conclut le canon choral « in sæcula… ». Le dernier mot à la basse Marc Labonnette, prière nuancée d’un grand calme cependant tonique.

Trois extraits de Castor et Pollux accueillent le retour d’entracte, tragédie qu’avec quelque avantage Hervé Niquet donnait il y a peu [lire notre chronique du 13 octobre 2014]. Deux chœurs de Spartiates encadrent l’air douloureux de Télaïre, Tristes apprêts, pâles flambeaux, porté par le soprano Katherine Watson. Enfin, In convertendo, second motet d’importance de ce programme. Curieusement, son exécution est celle qui satisfait le moins. Pour commencer, le ténor accuse des tenues précaires, peut-être dues à un problème de soutien (In convertendo Dominus), le soprano semble nettement moins dans son élément (Cum cantico), et la basse n’accroche guère efficacement son grave (Converte, Domine, captivitatem nostram) et s’empêtre un rien dans les virages dangereux. Saluons l’excellence des Chantres du CMBV, brillant (Tunc repletum).

BB